【法语】在睡美人的故事里👸🏼

【法语】在睡美人的故事里👸🏼

2020-03-30    05'02''

主播: 法语说一说

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介绍:
Cette nuit, je n’ai pas trouvé le sommeil. Par la fenêtre de ma chambre, j’ai regardé l’aube se lever sur les collines. L’herbe verglacée, les tilleuls sur les branches desquels apparaissent les premiers bourgeons. Depuis vendredi 13 mars, je suis à la campagne, dans la maison où je passe tous mes week-ends depuis des années. Pour éviter que mes enfants côtoient ma mère, il a fallu trouver une solution. Nous nous sommes séparés, sans savoir dans combien de temps nous nous reverrions. Ma mère est restée à Paris et nous sommes partis. D’habitude, nous remballons le dimanche soir. Les enfants pleurent, ils ne veulent pas que le week-end se finisse. Nous les portons, endormis, dans la cage d’escalier de notre immeuble. Mais ce dimanche, nous ne sommes pas rentrés. La France est confinée et nous restons ici. 女作家蕾拉·斯利玛尼(Leïla Slimani)在《世界报》上连载自己的《隔离日记》。中文文稿,出自法语人。 Jour 1 我们像是在《睡美人》的故事里 J’ai dit à mes enfants que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant Tout s’est arrêté. Comme dans un jeu de chaises musicales. Le refrain s’est tu, il faut s’asseoir, ne plus bouger. Un, deux, trois, soleil. Tu as perdu, il faut recommencer. D’un coup, le manège a cessé de tourner. Il y a une semaine, je faisais encore la promotion de mon dernier roman. Je me réjouissais de rencontrer des lecteurs dans les librairies de France. Certains disaient, « Je vous fais la bise, ça n’a jamais tué personne », et d’autres se moquaient de moi quand je refusais les selfies ou les poignées de main. « On ne va quand même pas croire à ces conneries », ai-je entendu. Il faut bien y croire puisque c’est là, puisque nous voilà cloîtrés, calfeutrés. Puisque jamais l’avenir n’a paru aussi incertain. Nous sommes confinés. J’écris cette phrase mais elle ne veut rien dire. Il est 6 heures du matin, le jour pointe à peine, le printemps est déjà là. Sur le mur qui me fait face, le camélia a fleuri. Je me demande si je n’ai pas rêvé. Ça ne peut pas être. Cela ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, à ces films que l’on regarde en se serrant contre son amoureux, en cachant son visage dans son cou quand on a trop peur. C’est le réel qui est de la fiction. J’aime la solitude et je suis casanière. Il m’arrive de passer des jours sans sortir de chez moi et quand je suis en pleine écriture d’un roman, je m’enferme pendant des heures d’affilée dans mon bureau. Je n’ai pas peur du silence ni de l’absence des autres. Je sais rester en repos dans ma chambre. Je ne peux écrire qu’une fois mon isolement protégé. Le confinement ? Pour un écrivain, quelle aubaine ! Soyez certain que dans des centaines de chambres du monde entier s’écrivent des romans, des films, des livres pour enfants, des chansons sur la solitude et le manque des autres. Je pense à mon éditeur qui va crouler sous les manuscrits. « Chronique du coronavirus », « Quarante-cinq jours de solitude ». Je devrais me réjouir, tenter de tirer quelques pages de cette expérience folle. Mais je n’arrive pas à penser ni à écrire. Je ne parviens pas à me concentrer sur le livre que j’ai ouvert et qui traîne sur mon lit depuis des heures. Je regarde de manière compulsive les informations, je relis dix fois les mêmes articles, je cherche quelque chose mais je ne sais pas quoi. Je suis dans un état de sidération c’est-à-dire privée de mots, de sensations. Comme si j’avais reçu un coup de poing en plein visage et que j’essayais, lentement, de me relever.